"I know no matter what you say There are some debts you'll never pay"
(Photo : Un papillon parmi d'autres; 2007)
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Il me semble qu'il y a une éternité que je t'écris sans espoir de réponse et, paradoxalement, qu'il y a seulement quelques mois de cela que l'on avait trouvé le nom de cette rue cachant toutes nos réponses existentielles.
Il n'y a plus aucune raison d'être en colère, n'est-ce pas ? Le vide ne se comblera pas ainsi. Pourtant, j'en suis toujours à ce point-là. Saleté d'obstination !
Je continue ridiculement d'aller voir dans cette fameuse rue si une personne, fumant paisiblement, adossée contre un mur ne pourrait s'y trouver. Mais non. Evidemment non. J'ai beau savoir que tu ne peux certainement pas y être, j'espère bêtement et naïvement t'y apercevoir. Tu peux expliquer une chose pareille toi ? Et si nos rôles étaient inversés, tu agirais de la même manière ? Tu continuerais d'espérer me trouver quelque part où tu te rendrais constamment pour vérifier -sait-on jamais- ?
Il n'y a pas de mots pour exprimer ça. Pour te faire savoir que depuis ton départ, je suis incapable de vivre correctement, d'arrêter de m'enfumer le cerveau avec toutes les interrogations que tu m'as lâchement reléguées, dont tu m'as sournoisement imposé la garde sans possibilité réelle de m'en débarrasser autrement qu'en trouvant des réponses.
Je vois les autres parfois, ceux qui pensaient également te connaître, et je me dis qu'ils doivent aussi être en colère ou désorientés. Mais l'on ne prend plus la peine de se demander si un tel état est toujours d'actualité. Je suppose que l'on s'en moque tous finalement. Mais le pire dans cette histoire, c'est qu'ils deviennent, pour beaucoup, tristes dès que l'on se parle. Tristes pour toi, pour moi et un peu pour eux aussi. Ils m'associent à toi, même après tout ce temps. Tu parles d'une connerie !
Ca fait cet effet-là quand le "plus jamais" t'explose à la gueule ? T'as envie de tout brûler, jeter, casser, de crier au monde entier -ou presque- qu'il ferait mieux d'aller se faire foutre ?
Mais tu sais, j'ai compris pourquoi j'étais en colère contre toi, pourquoi je l'étais autant. Je pensais qu'il s'agissait de l'égoïste et banal "tu m'as laissée seule" mais pas uniquement en réalité. Il s'agit surtout de tout ce que tu m'as légué, refilé sans avoir le moyen de refuser. Des questions par centaines, des questions qui ne trouveront jamais de réponse puisque tu étais le seul qui aurais pu les apporter. Que d'ironie... Tu me diras que des questions sans réponse ne sont pas grand-chose et qu'il y a bien pire. Je te rétorquerai qu'il y a peut-être bien pire, mais qu'une telle chose est néanmoins horriblement imposante et bouffe l'existence de celui pour qui elle est l'unique lot. Mais indifférent comme tu l'étais, tu ne comprendrais pas de quoi il s'agit vraiment et conclurais avec tes sarcasmes habituels, laissant tout en plan et fuyant, sachant que d'autres après toi s'en occuperont, qu'ils le veuillent ou non.
Il n'y aura pas de surnoms ridicules à en faire pleurer les plus sensibles ni de jérémiades plus inutiles les unes que les autres. Aussi n'y aura-t-il que de l'amertume et des reproches. Si tu pouvais revenir, je prendrais la peine de te faire comprendre ce que l'on ressent depuis des mois et te forcerais à nous expliquer comment il est possible d'être si suffisant et de laisser tous ceux qui tenaient à toi dans un brouillard empli d'interrogations, sans te soucier un instant de l'horreur qu'ils traversent.
Il ne devrait pas être permis d'agir de manière si connement égoïste. Parce que, s'il n'est pas grave pour toi de crever, il est insupportable pour ceux qui restent, de vivre avec un poids mort en guise de boulet. Ils n'avaient rien demandé ceux-là. Non, absolument rien.
Oriane
(Mai 2010)
"Il n'est nulle douleur que le temps n'apaise.
Auteur inconnu et très certainement mort. Dommage.
J'aurais aimé lui demander : combien de temps ?"
(A. Duperey)